Mohsen Rafighdoost a fait des révélations qui donnent froid dans le dos/ AP
Une interview récente suscite une onde de choc en Iran. Mohsen Rafighdoost, ancien ministre des Gardiens de la Révolution de 1982 à 1988, a reconnu publiquement avoir orchestré des assassinats d’opposants iraniens en Europe, notamment en France, peu après la révolution islamique de 1979. Ce faisant, il contredit les dénégations persistantes du régime de Téhéran concernant son implication dans de tels actes.
Dans un entretien accordé au site iranien Didban Iran, Rafighdoost n’hésite pas à affirmer : « C’est moi qui ai donné l’ordre d’assassiner Chapour Bakhtiar », l’ancien Premier ministre du Shah d’Iran, qui s’était exilé en France et s’opposait au nouveau régime. Le 18 juillet 1980, il charge Anis Naccache, un terroriste libanais pro-iranien, d’éliminer Bakhtiar à son domicile à Neuilly-sur-Seine. Bien que Bakhtiar échappe à la mort, deux autres personnes, dont un policier, perdent la vie. Naccache est condamné à la réclusion à perpétuité, ce qui entraîne une crise diplomatique entre Paris et Téhéran.
Rafighdoost se rend alors en France pour négocier la libération de Naccache, qui a entamé une grève de la faim. Lors d’une rencontre avec le ministre des Affaires étrangères de l’époque, Roland Dumas, il rapporte une conversation troublante : « J’ai demandé au ministre : ‘Si j’obtiens de Naccache qu’il arrête sa grève de la faim, quand pourra-t-il être libéré ?’ Il a répondu : ‘Ça prendrait deux semaines.’ Je lui ai alors dit : ‘Si au-delà de deux semaines, ce n’est pas le cas, n’allez pas vous plaindre qu’une de vos ambassades explose ou qu’un de vos avions de ligne soit détourné.’ » Naccache sera finalement gracié par François Mitterrand le 27 juillet 1990, tandis que Bakhtiar sera assassiné un an plus tard à Suresnes par un autre commando.
Rafighdoost se vante également d’avoir orchestré d’autres assassinats, notamment celui du général Gholam-Ali Oveissi, ancien chef d’état-major de l’armée de terre, le 7 février 1984, et celui de Shahriar Shafiq, un officier supérieur de la marine nationale et neveu du Shah, le 7 décembre 1979 à Paris. Il évoque aussi son rôle dans l’assassinat de Fereydoun Farrokhzad, un célèbre chanteur et opposant au régime, tué le 2 août 1992 à Bonn, en Allemagne.
Ces révélations marquent une première confirmation d’actes que l’on soupçonnait, mais que le régime avait toujours niés, selon Clément Therme, spécialiste de l’Iran et chargé de cours à l’université Paul-Valéry de Montpellier. L’interview de Rafighdoost a provoqué une vive réaction sur les réseaux sociaux, notamment parmi les opposants au régime.
Bien que les autorités iraniennes n’aient pas encore réagi officiellement, le bureau de Rafighdoost a publié un communiqué affirmant que l’ancien ministre avait subi une « opération au cerveau » ces dernières années, suggérant que certains de ses souvenirs pourraient être erronés. Therme souligne que la rapidité du déni indique une crainte que ces déclarations alimentent le débat sur la désignation des Gardiens de la Révolution comme organisation terroriste par les États européens.
Lors de cet entretien, Rafighdoost a également révélé l’existence d’un compte bancaire destiné à financer des opérations secrètes à l’étranger, affirmant : « Nous avions un compte sous le nom de KM auprès de la banque Saderat à Francfort. » Selon lui, ce compte était alimenté par des commissions issues d’achats d’armes et de munitions. Il a également mentionné que certains assassinats auraient été réalisés par des « indépendantistes basques », payés par l’intermédiaire d’un religieux égyptien basé en Allemagne.
Thom Biakpa
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