En Russie les interruptions croissantes des services internet causent beaucoup de désagréments aux usagers/ Reuters
L’Internet russe subit une pression de plus en plus forte, caractérisée par une censure sévère, une surveillance accrue et des interruptions fréquentes des services, selon un rapport récent de Human Rights Watch (HRW) intitulé « Coupé, Ralenti, Bloqué : censure d’État, contrôle et isolement croissant des internautes en Russie ». Les autorités justifient ces mesures par la nécessité de garantir la sécurité publique et la sûreté nationale, mais de nombreux observateurs s’inquiètent des conséquences sur la liberté d’expression et la vie quotidienne des citoyens.
Actuellement, les habitants du kraï de Krasnoïarsk en Sibérie orientale sont privés d’accès à Internet sur leurs smartphones depuis plusieurs jours. Les autorités locales affirment que cette coupure vise à prévenir d’éventuelles attaques de drones ukrainiens, bien que cette région soit éloignée des combats. Le gouverneur Mikhail Kotioukov a demandé aux citoyens de faire preuve de compréhension, insistant sur la priorité accordée à la protection des habitants et des infrastructures.
Cette situation n’est pas isolée. Depuis les répétitions de la parade militaire du 9 mai, les coupures d’Internet se sont multipliées à Moscou, Saint-Pétersbourg et dans d’autres régions du pays. L’avocat Sarkis Darbinyan, cofondateur de l’ONG Roskomsvoboda, souligne que ces interruptions sont devenues la norme, permettant aux gouverneurs de désactiver Internet dans des situations jugées douteuses.
Les conséquences de ces coupures se font sentir dans la vie quotidienne : les systèmes de paiement par carte bancaire sont affectés, les livraisons perturbées, et les tarifs des taxis explosent en raison de l’incapacité à calculer correctement le prix des courses. Les pertes économiques pour le secteur numérique se chiffrent en millions de dollars, et certaines régions, comme Rostov, prévoient que ces interruptions deviendront fréquentes.
Le rapport de HRW met également en lumière le contrôle technologique exercé par le gouvernement sur l’infrastructure de l’Internet russe. Cela lui permet de bloquer et de ralentir les sites jugés indésirables, un processus qui s’est intensifié depuis les années 2010, notamment avec l’adoption de la loi sur l’« Internet souverain » en 2019. Cette législation vise à isoler le segment russe de l’Internet, le rendant plus facile à contrôler et à censurer.
Avec l’intensification de la guerre en Ukraine, la censure a atteint des niveaux alarmants. Les médias indépendants sont bloqués, les reportages sur la guerre sont interdits, et des milliers de sites internet sont inaccessibles en raison de la législation restrictive. La Douma a récemment adopté une loi sanctionnant la recherche de contenus qualifiés d’« extrémistes », ouvrant la voie à une surveillance généralisée et incitant à l’autocensure parmi les utilisateurs d’Internet.
La possibilité de bloquer des applications de messagerie populaires, comme WhatsApp, est également à l’étude. Les députés russes craignent qu’un service américain, considéré comme extrémiste, ne puisse dominer le trafic Internet russe. Le député Vitaly Milonov a exprimé l’espoir que les utilisateurs se tournent vers des applications locales, comme la messagerie russe MAX, plus conformes aux exigences des autorités.
Ces restrictions croissantes sur l’Internet en Russie soulèvent de nombreuses inquiétudes quant à l’avenir de la liberté d’expression et des droits des internautes. Alors que le pays cherche à isoler son espace numérique, les impacts sur la vie quotidienne et l’économie numérique deviennent de plus en plus préoccupants.
Thom Biakpa
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