Les relations de défense entre Moscou et New Delhi semblent entrer dans une phase décisive. Alors que l’Inde tente depuis plusieurs années d’élargir son réseau de partenaires militaires, une série de rencontres confidentielles en Russie, révélées par Reuters laisse penser qu’un changement de cap est en cours. Ces discussions, menées loin des projecteurs, suggèrent que les deux pays envisagent de redessiner une coopération vieille de plusieurs décennies. Pour l’Inde, dont une bonne partie des équipements militaires provient encore de l’arsenal russe, cette évolution ouvre de nouvelles perspectives industrielles, mais aussi un ensemble de dilemmes diplomatiques.
Depuis longtemps, la coopération entre Moscou et New Delhi repose sur un fait simple : l’armée indienne est largement équipée de matériel russe. Au fil des ans, cette réalité a cimenté un partenariat stratégique où livraison d’armes, maintenance et formation ont façonné une relation solide. Mais l’Inde cherche aujourd’hui à se moderniser et à réduire sa dépendance envers ses fournisseurs traditionnels. Cette volonté de diversification transforme profondément les liens bilatéraux et prépare le terrain aux initiatives observées ces dernières semaines.
Industrie de défense indienne : des ambitions qui rencontrent l’offre russe
D’après plusieurs sources proches du dossier, des dirigeants parmi les plus influents de l’industrie indienne de l’armement ont pris part en Russie à des réunions qualifiées d’exceptionnelles. Le fait qu’Adani Defence ou encore Bharat Forge aient été de la partie montre bien l’importance accordée à ces échanges. Il ne s’agissait pas de simples discussions protocolaires : l’objectif était d’évaluer des projets de coentreprises, une voie que New Delhi pousse activement pour développer une base industrielle locale plus robuste.
La présence, aux côtés de ces acteurs privés, de hauts responsables gouvernementaux comme le secrétaire à la production de défense Sanjeev Kumar renforce l’impression d’un tournant stratégique. Cette mission collective, la première depuis le début de l’offensive russe en Ukraine, pourrait signaler que l’Inde privilégie désormais le développement conjoint de technologies militaires, plutôt que l’achat direct d’équipements clés en main.
Pressions occidentales et équation stratégique indienne
Ces initiatives avec Moscou ne sont toutefois pas sans risques. Plusieurs diplomates occidentaux ont déjà fait part de leurs inquiétudes : la continuité des liens militaires indo-russes complique, selon eux, le partage de technologies sensibles avec New Delhi. Le fait que l’armée indienne utilise encore massivement des systèmes d’origine russe alimente ces réserves.
Si l’Inde multiplie les coopérations avec l’Europe ou les États-Unis, ces partenaires n’en restent pas moins vigilants. Certains d’entre eux pourraient même revoir ou ralentir leurs projets si les collaborations indo-russes venaient à s’intensifier. L’Inde se retrouve ainsi à devoir jongler entre plusieurs impératifs : réduire une dépendance héritée du passé, consolider son industrie de défense, et maintenir un équilibre géopolitique délicat face aux grandes puissances. Les récentes discussions à Moscou s’inscrivent pleinement dans cette stratégie d’équilibriste.
Cette séquence intervient alors que la Russie prépare une visite présidentielle en Inde. Aucun geste spectaculaire n’a encore été annoncé, mais les préparatifs et les échanges menés en coulisses laissent entrevoir une possible redéfinition de la coopération militaire entre les deux pays. Les prochains dialogues pourraient lever le voile sur la direction que prendra ce rapprochement.
Thom Biakpa
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